Silence du Maire sur le scandale de l'Hôpital Foch

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L’IGAS soutient que l’hôpital Foch s’est vu ponctionner près de 40 millions d’euros par sa fondation
Dans un rapport au vitriol dont Hospimedia a obtenu copie, l’IGAS accuse la fondation Maréchal Foch d’avoir détourné des dizaines de millions d’euros censés revenir à l’hôpital de Suresnes, grevant de facto sa situation financière. Et de réclamer un placement sous administration provisoire.
C’est un véritable réquisitoire que dresse l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) au terme de sa mission sur les relations entre la fondation Maréchal Foch et l’association hôpital Foch, structure gestionnaire de l’Établissement de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC) du même nom situé à Suresnes (Hauts-de-Seine), ainsi que sur la gouvernance de la fondation.
Selon les documents dont Hospimedia a obtenue copie*, le constat financier dressé par les rapporteurs est lourd d’implication : au 31 mars dernier, la fondation devait à l’hôpital la somme de 45,2 millions d’euros se décomposant en 38 millions de principal et 7,2 millions d’intérêts.
Pour l’IGAS, la fondation a institué « un véritable système qui a consisté depuis 1990 à augmenter régulièrement [ses] fonds propres (…) au détriment du fonctionnement et du personnel de l’hôpital, et au mépris de l’intention des donateurs sollicités pour apporter un soutien à l’hôpital ». Et de dénoncer une fondation qui a su doubler ses fonds propres et n’a cessé de s’enrichir par « captations d’argent », pendant que l’hôpital « s’appauvrissait corrélativement », voyait son déficit d’exploitation flamber, opérait un plan social et risquait à deux reprises la cessation d’activité. En parallèle, la tutelle régionale a dû augmenter ses subventions publiques à l’hôpital « pour environ 2 millions d’euros indus de 2004 à 2008 », sans compter de « très fortes aides à l’investissement », dont 127 millions d’euros versés pour la construction d’un nouveau bâtiment ouvert en 2011.
Des sommes « immédiatement » exigibles
Dans ses critiques, l’IGAS pointe entre autres : le versement à l’hôpital d’à peine 20% des 16,1 millions d’euros de dons perçus par la fondation sur 2000-2011; l’orientation « méthodiquement organisée » vers la fondation d’un remboursement de taxe foncière revenant à l’association ; de même pour l’indemnité versée par la SNCF (23,5 millions) pour compenser des préjudices de gestion et les conséquences de sous-investissements passés ; l’utilisation de papier à en-tête de l’hôpital pour récolter des fonds hospitaliers, etc. Le tout, alors que la fondation se targuait dans le discours de « venir en aide à son hôpital », note l’IGAS. Quoi qu’il en soit, « sans préjuger des poursuites pouvant être engagées, l’essentiel des sommes indûment retenues jusqu’ici est immédiatement exigible », insiste-t-elle. Pour les rapporteurs, le constat global est celui de « l’ambiguïté, de l’opacité et de l’imprécision installées ». Une situation qui résulte de la gouvernance duale établie par le président de la fondation, Georges Dominjon – qui quittera ses fonctions le 1er juillet prochain au profit de Jean-Louis Buhl (lire notre sujet du 22/05/2013) –, lequel a en effet également présidé l’association de 1995 à 2009. Ce « désordre institutionnel » s’illustre par « des irrégularités majeures » et persistantes dans la composition même du Conseil d’administration (CA) de la fondation (composition du bureau, durée des mandats, « désordre chronologique permanent » sur l’organisation des élections internes, etc.), qui « affecte pleinement » la structure hospitalière.
Une fondation qualifiée de « coquille vide »
Outre ces « violations multiples et répétées » des statuts de la fondation depuis 1995, l’IGAS s’insurge également vis-à-vis de la gestion opérée par Georges Dominjon, qui a « érigé l’invective et le contentieux au rang de stratégie première à l’encontre de la tutelle », ainsi que des auteurs du rapport eux-mêmes le temps de leur mission. Tout en apportant son soutien aux dénonciations passées opérées par les anciens responsables de l’association (Philippe Ritter 2009-2011 puis Jean-Claude Hirel 2011-2012), les rapporteurs imaginent mal « comment les administrateurs qui ont siégé au conseil d’administration de l’association sans y défendre les droits de l’hôpital pourraient continuer à siéger dans ce même conseil sans être discrédités par leurs décisions ou leur passivité passées ». En outre, qualifiant la fondation Maréchal Foch de « coquille vide », l’IGAS s’interroge aussi sur le fondement de lui maintenir le statut de fondation reconnue d’utilité publique en ayant « un objet social évidé, des ressources propres résiduelles et des disponibilités probablement insuffisantes pour s’acquitter des montants dus, (…) une gouvernance en déshérence… » Or, devant la gravité de ces constats, « les actions récentes conduites par la fondation ne semblent témoigner d’aucune volonté de renouer avec la régularité dans la constitution de ses instances propres ou dans ses relations avec l’association ». Et de réclamer, par conséquent, un placement sous administration provisoire pour chacune des deux structures incriminées.
Thomas Quéguiner
* Soit deux des trois volets du rapport final de l’IGAS : la note relative aux fonds de l’association Hôpital Foch détenus par la fondation, ainsi que le rapport relatif à l’incidence de l’imbrication des deux conseils d’administration sur les conditions de renouvellement du bureau de l’association, et aux difficultés de gouvernance des deux institutions. La troisième partie cible les investissements de la fondation.
La fondation Foch conteste « des raisonnements fallacieux »
Dans un communiqué, la fondation Maréchal Foch s’insurge contre les conclusions « erronées et diffamatoires » du rapport établi par l’IGAS, en pointant « les formulations et (…) raisonnements fallacieux ». Selon ses responsables, le décalage dans le temps entre la collecte qu’elle assure et le transfert effectif des fonds à l’association s’explique par les retards puis la suspension des travaux de rénovation intervenus à l’initiative de l’hôpital. Et de soutenir que « les ressources de la fondation sont donc exclusivement « dédiées » à l’hôpital, comme le précisent les appels aux dons, et ne sont aucunement « détournées » par elle ». Outre cette absence de dette, la fondation assure par ailleurs que la proposition de mise sous administration provisoire n’est plus d’actualité, ayant certifié qu’elle engageait une modification de ses statuts qui datent de 1929. Au passage, elle accuse l’IGAS de vouloir porter atteinte au secteur privé non lucratif, à l’instar de ses critiques récentes à l’égard de l’Institut Pasteur (lire notre sujet du 03/05/2013).
De son côté, devant les conclusions « accablantes » de l’IGAS, la député Jacqueline Fraysse (CRC, Hauts-de-Seine) incite le gouvernement à réfléchir à la survie même d’une fondation « virtuellement en défaut de paiement », à l’utilisation des fonds manquants, au silence des membres du conseil d’administration de l’association (avant tout le Conseil général des Hauts-de-Seine et la municipalité de Suresnes), sur la responsabilité pénale de Georges Dominjon et du trésorier, etc.
T.Q.