Conférence des territoires : renouveau dans la forme, vieille recette dans le fond (de tiroir).

ÉCONOMIE DE 13 MILLIARDS 
Il y a matière à réformer les collectivités locales en France, leur fonctionnement, et les voies de financement de l’action publique territoriale. En revanche, il me paraît essentiel de mener ces réformes sans en faire payer le prix aux Français. Le risque de voir, à nouveau, fondre les dotations de l’Etat pour les communes  n’est ni plus ni moins qu’un risque de délitement des services publics de proximité.
La conférence des territoires voulue par le Président Macron a accouché de quelques bonnes orientations (haut débit généralisé, simplification du Grand Paris) mais qui semblent n’être que des leurres afin de faire passer d’autres pilules (sur la fiscalité et les élus locaux), avec de vieilles recettes… dont on sait qu’elles ont un goût amer pour les collectivités et, par ricochet, pour les Français.
Ce qui est inquiétant c’est la pression de nouveau mise sur les collectivités locales. J’avais déjà dénoncé, lors du précédent quinquennat, cette diminution drastique des dotations de fonctionnement de l’Etat couplé à une montée des fonds de péréquations nationaux et régionaux. 
Cette solidarité entre communes n’allait pas dans le mauvais sens, bien au contraire, et je pense qu’elle est nécessaire pour une équité entre communes.  Mais cette montée en puissance de la péréquation arrivait en même temps que cette baisse de dotation de l’Etat qui a largement pénalisé les investissements de nos communes. N’oublions pas que les communes représentent plus 70% des investissements de notre pays, et donc un réel soutien à l’économie.
Les annonces du Président Macron ne me rassurent pas plus. En effet, ce plan d’économie de 13 milliards d’euros sur 5 ans, va avoir une incidence importante sur les services publics de nos communes. Rappelons que ces dotations de fonctionnement ne sont pas un cadeau de l’Etat aux collectivités, mais bien la compensation financière des compétences et services publics que l’Etat a délégué, années après années, aux communes dans le cadre des différentes phases de décentralisation. C’est un peu comme si un patron demandait à son employé d’acheter des matériaux pour la société, qu’il le remboursait par note de frais, puis qu’il décidait arbitrairement de ne rembourser que 60% de cette note, laissant son employé payer la différence. Chacun à ce moment-là dénoncerait cette méthode.
 
TAXE D’HABITATION
Si nous ajoutons la suppression sur 3 ans de la taxe d’habitation (qui représente 22 milliards pour les collectivités), nous risquons de voir plusieurs mairies en difficultés. Car ces 22 milliards ne sont pas dans les poches des élus, mais servent bien pour financer la propreté de nos rues, la construction de nos écoles, les aides aux plus faibles via les centres d’actions sociales de nos villes… mais aussi les activités périscolaires pour nos enfants ou l’accès à la culture pour nos concitoyens. 
Bien sûr cette taxe est certainement la plus injuste qui existe. Car comme le taux varie d’une commune à l’autre et que les bases cadastrales obsolètes (qui datent de 1970) varient d’un terrain à l’autre, il y a inégalité devant l’impôt, à la fois dans la même commune et d’une commune à l’autre. Par exemple dans notre département, qui est très dense, il n’est pas rare qu’une rue délimite deux communes. D’un côté de la rue nous pouvons être à un taux de taxe d’habitation à 16% et en face, à 10 mètres, être à 4%. Autre exemple dans la même ville, ou les bases datent de 1970, ou les habitations HLM à l’époque étaient des habitats confortables, neufs et valorisants, la base servant à calculer le taux communal sera plus haute que dans une zone pavillonnaire, qui à l’époque n’avait pas forcément autant la côte. 
Ce qui est également une dérive inquiétante, c’est la volonté du nouveau président de vouloir supprimer cette taxe pour 80% des foyers fiscaux. En effet, les foyers qui seront exonérés de cette taxe seront ceux qui ont 20 000€ de revenus par personne et par part fiscale (60 000€ pour un couple et deux enfants). Ce qui revient à dire que les villes avec des catégories de population en CSP et CSP++ garderont leurs recettes fiscales directes alors que les villes avec des populations populaires et plus modestes seront sous tutelle financière de l’Etat. Une perfusion financière de l’Etat qui aura des conséquences sur les services publics de ces populations. Car N’oublions pas que « le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas ». Et cette mesure provoquera inévitablement une fracture territoriale importante entre les zones rurales et urbaines et à l’intérieur de celles-ci entre les communes pauvres et les plus riches. Avec toutes les conséquences de la montée des extrêmes que cela engendre.
Dans le même temps, le gouvernement annonce une réforme de l’Impôt sur la Fortune, qui sortira le patrimoine mobilier, l’épargne et les placements financiers, de la base de calcul de cet impôt (pourtant emblématique et qui ne touchait que les plus aisés des Français). 
Il faut donc réformer la Taxe d’Habitation, c’est une évidence, et c’est une erreur des précédents gouvernements de ne pas avoir entrepris cette réforme fiscale importante. Il faut donc la réformer en ayant, par exemple, le même taux sur l’ensemble du territoire national et revaloriser les bases foncières en fonction de l’habitat actuel et pas celui de 1970. Il faut également que l’abattement concernant les revenus soit plus important afin de ne pas pénaliser les plus faibles revenus. Cette solution permettrait surtout aux collectivités de maintenir des ressources directes, indispensables pour mettre en place les services publics de proximité. 
Le périscolaire, la petite enfance, les associations, le social, la culture et les infrastructures municipales, seront les grands sacrifiés durant ce quinquennat, pour une simple raison, les communes n’auront plus les moyens de faire au-delà de leurs compétences obligatoires.  
Laisser penser que les communes sont les plus gros dépensiers de l’administration française, qu’elles ne savent pas gérer leurs finances et qu’elles sont le principal responsable du déficit public, est une façon délibérée, depuis des années, de cacher la réalité. Et sur ce point, le nouveau président n’incarne pas le renouveau mais la continuité des vieilles recettes hérité de la crise de 2008. Alors que les communes sont obligées de présenter des budgets à l’équilibre, cette obligation n’est pas applicable à l’Etat. Pire encore, les collectivités locales dans leur ensemble représentent à peine 9 % de la dette publique, alors que l’Etat, lui, représente 80% de celle-ci. Dans le même temps ces trois dernières années les collectivités ont participé à 50% de la réduction du déficit. Il est temps de stopper cette saigné sur les communes et de trouver rapidement des pistes d’économies avant tout sur le fonctionnement de l’Etat.
Au-delà de l’aspect financier c’est aussi la constitutionnalité de ces mesures qui sont à soulever. En effet, la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 a inscrit dans la Constitution le principe de l’autonomie financière des collectivités territoriales. Elles peuvent notamment fixer l’assiette et le taux des impositions dans des limites fixées par la loi, et aucun transfert de compétences entre l’État et les collectivités ne peut s’effectuer sans transfert des ressources correspondantes. Avec la suppression de la taxe d’habitation, compensée (ou pas) par l’état, c’est de l’autonomie que les communes perdent. 
 
Le nombre d’élus locaux 
Emmanuel Macron veut également réduire les dépenses publiques, notamment en « engageant une réduction du nombre des élus locaux ». 
Autant je perçois complètement la nécessité de réduire le nombre de parlementaires, et je soutiens cette réforme, autant j’ai du mal à comprendre la nécessité de réduire les élus locaux, et notamment municipaux, alors même que seulement 8% des élus municipaux sont indemnisés… les autres étant bénévoles et donnant de leur temps libre pour l’intérêt général. 
 
Ce qui me semble importer le plus, c’est de donner un statut aux élus locaux afin de les sécuriser dans leur parcours électif, afin que tous les citoyens, quel que soit leur milieu social ou leur activité professionnelle, puissent s’investir dans la gestion de la cité. 
Lancer la vindicte sur les élus locaux concernant la dépense publique, avant même de trouver des solutions pour réformer notre système, est malheureusement une habitude chez nos responsables nationaux. Cette mesure pourrait aussi servir Emmanuel Macron :

« La réduction du nombre des élus locaux est une idée populaire, qui rencontre un écho favorable dans l’opinion publique ».
La question à trancher est de savoir si cette mesure, à mon sens plus populiste que populaire, devrait être au cœur des premières réformes de l’Etat. Car après la réduction d’1/3 des parlementaires, ajoutant une centaine de députés élus à la proportionnelle, cela va provoquer inévitablement une exfiltration des députés de leur base territoriale. C’est à mon sens regrettable, car même si le député est un élu de la nation, il est aussi le représentant de son territoire et des citoyens qui le composent. Couper le député de son territoire, en le faisant élire sur des listes, risque de détruire la proximité que l’élu pouvait avoir avec ses concitoyens. La réduction du nombre de député aura aussi une incidence sur la superficie des circonscriptions, qui seront doublées par rapport au découpage actuel.
Cette réforme qui aurait dû être soumise à la concertation la plus ouverte s’inscrit donc dans un mouvement général de réforme des institutions dont toutes les étapes mèneront, par accumulation, à un éloignement des élus de leurs concitoyens et à un affaiblissement des services publics de proximité.