Ce lundi matin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, était au centre de dédouanement postal de Chilly-Mazarin pour présenter les résultats des douanes pour l’année 2018 en France.

Le commerce parallèle de tabac est un fléau qui se traduit par une aggravation du tabagisme et du nombre des 80000 morts prématurées annuelles, une perte fiscale de 3 milliards d’euros par an, une perte de chiffre d’affaires de 250 millions d’euros par an pour les 25000 buralistes et des problèmes d’insécurité. Il est donc légitime que le gouvernement affirme vouloir en faire une priorité. 

Les saisies des Douanes s’établissent chaque année autour de 450 tonnes de tabac. Cela paraît énorme et le bilan annuel permet de faire de belles images pour les JT. Très bien. Mais en réalité ces 450 tonnes ne représentent qu’une infime part des quelque 18 milliards de cigarettes qui viennent chaque année de l’étranger et abreuvent le commerce parallèle en France.

Je déplore que le gouvernement ne se pose pas les bonnes questions et qu’il formule par conséquent de mauvaises réponses.

La bonne question, c’est de savoir d’où vient le commerce parallèle de tabac. Or, grâce au débat que j’ai organisé au Sénat le 23 novembre 2018, on sait désormais qu’il serait composé à plus de 98% de vraies cigarettes sortant directement ou indirectement des usines des cigarettiers. La contrefaçon selon le fabricant Seita-Imperial Tobacco ne représente que 0,2% du commerce parallèle. C’est infinitésimal. Plus précisément encore, selon Philip Morris International cette fois, 50% du commerce parallèle vient de réseaux organisés qui ont acheté ces vraies cigarettes à la sortie des usines, et 50% des achats transfrontaliers, c’est-à-dire des cigarettes livrées directement par les fabricants de tabac dans les pays limitrophes à fiscalité plus douce comme le Luxembourg, la Belgique ou Andorre. 

Il est indispensable d’empêcher les fabricants de tabac à la fois de surproduire et de sur-approvisionner. L’outil juridique et technique existe désormais : il s’agit du Protocole de l’OMS « pour éliminer le commerce illicite de tabac » entré en vigueur le 25 septembre 2018 et devenu ainsi une norme supérieure aux directives européennes et lois nationales. Ce traité international vise à imposer une traçabilité des produits du tabac strictement indépendante des cigarettiers, au motif qu’ils organisent et alimentent les trafics.

Pourtant, le gouvernement envisage d’apporter une mauvaise solution : il prévoit de mettre une traçabilité du tabac mais qui serait confiée aux 3/4 aux cigarettiers et à leurs alliés. Pour plagier le Directeur Général de l’OMS, « le gouvernement s’apprête à confier la garde de son poulailler à des renards ! »

S’agit-il d’une incompréhension du phénomène ? Ou du fruit d’un lobbying réussi de l’industrie du tabac ? Peut-on rappeler que le candidat Emmanuel Macron avait promis le contraire à la Confédération des Buralistes le 19 mars 2017 ? En tout cas cette situation est ubuesque et pour tout dire gênante. 

C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au Sénat la création d’une Mission d’information ou d’un Groupe de travail pour clarifier cette situation, et veiller à ce le gouvernement respecte le droit international et la logique.  Et en exigeant que la duplicité des cigarettiers ne soit plus « financée » par les contribuables qui sont à 75% non-fumeurs.

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