La lutte contre le commerce parallèle de tabac doit être une priorité au regard de ses conséquences sanitaires et fiscales. En Union européenne (UE), le poids du commerce parallèle représente 10 à 35% du marché en fonction des États membres. Le commerce parallèle de tabac pèse par exemple plus de 25% de la consommation en France, ce qui représente une perte fiscale directe de 3 milliards d’euros/an.
Nous savons à présent, notamment grâce au débat que j’ai organisé au Sénat le 23 novembre 2018, que plus de 98% du commerce parallèle de tabac est composé de cigarettes qui sortent des usines des 4 majors du tabac. La compréhension de cette donnée est fondamentale en ce sens qu’elle doit conditionner les solutions à mettre en œuvre pour lutter contre ce fléau organisé sciemment par les fabricants de tabac.
A ce jour, deux systèmes de lutte contre le commerce parallèle de tabac et basés sur la traçabilité des produits se confrontent : celui préconisé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et plus particulièrement par son Protocole « pour éliminer le commerce illicite du tabac » élaboré en 2012 et entré en vigueur le 25 septembre 2018, et celui préconisé par l’Union européenne (UE) et plus particulièrement les articles 15 et 16 de sa Directive Tabac de 2014, déclinés au travers des « actes d’exécution et délégués » adoptés en 2018.
Schématiquement, le Protocole de l’OMS exige que la traçabilité des produits du tabac (paquets de cigarettes, poches de tabac à rouler, cartouches, cartons, palettes) soit strictement indépendante des fabricants de tabac, alors que la solution préconisée par l’UE confie plusieurs missions aux fabricants de tabac et à ses partenaires historiques. Or, depuis son entrée en vigueur le 25 septembre 2018, le Protocole de l’OMS est devenu une norme juridique supérieure aux directives européennes et aux lois nationales. Pourtant le gouvernement français vient de publier au Journal Officiel (JO) du 9 mars 2019 un décret relatif à la traçabilité des produits du tabac qui vise à mettre en œuvre la seule Directive Tabac, en ne tenant pas compte de l’entrée en vigueur du Protocole et du caractère incontournable de ses obligations.
Aujourd’hui j’ai saisi à la fois la Cour de Justice de l’Union Européenne et le Conseil d’État sur la non-conformité de ce décret au droit de l’Organisation Mondiale de la Santé, et notamment du premier protocole à la Convention Cadre de lutte anti-tabac pour éliminer le commerce illicite de tabac (le « Protocole »), ceci aux fins de l’annulation de l’acte administratif pris en violation de ce texte. En effet, au sens où le décret n° 2019-177 du 8 mars 2019 paru au Journal Officiel de la République Française du 9 mars 2019 ne vise à mettre en œuvre qu’une partie du système de traçabilité des produits du tabac tel que défini par le Protocole de l’OMS en laissant de facto les fabricants de tabac, directement ou via des entreprises qu’elles auront discrétionnairement sélectionnées, gérer toutes les autres étapes du système de traçabilité, le dispositif est contraire à l’article 8 du Protocole de l’OMS.
De plus aucune mise en concurrence, aucun appel d’offre n’ont été organisés par le gouvernement français qui a choisi de manière discrétionnaire l’Imprimerie Nationale pour la génération des codes, qui ne représente, on l’a vu, qu’un quart d’une solution de traçabilité telle que définie par le Protocole de l’OMS, le reste étant géré par les cigarettiers et leurs alliés, alors qu’ils nourrissent sciemment le commerce parallèle.
Plusieurs associations anti-tabac ont de même dénoncé la non-conformité des textes européens par rapport au Protocole de l’OMS, comme le Comité National Contre le Tabagisme (CNCT) ou Smoke Free Partnership.
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