Le Sénat a voté hier le Projet de loi ratifiant l’ordonnance du 3 mai 2017 portant création de l’établissement public Paris La Défense.
Au nom du Groupe socialiste, j’ai appelé à voter contre ce texte après avoir rappelé que celui-ci se faisait dans la précipitation, alors même que le Conseil d’Etat était amené à se prononcer sur un éventuel vice dû à la non-consultation des communes.
Retrouvez la vidéo et le texte de mon intervention ci-dessous.
Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre,
Chers collègues,
Nous sommes aujourd’hui amenés à nous prononcer sur le Projet de loi ratifiant l’ordonnance du 3 mai 2017 portant création de l’établissement public Paris La Défense.
Nous parlons-là du premier centre d’affaires européen, car La Défense représente 150 000 emplois et 3,2 millions de mètres carrés de bureaux.
A l’aune du Brexit, La Défense doit faire l’objet d’une réforme en profondeur, d’autant plus que nous faisons face depuis quelques années à des difficultés liées à la complexité de la répartition des compétences des deux établissements.
Ainsi, la gouvernance bicéphale, confiée à un établissement aménageur, l’EPADESA, et à un établissement gestionnaire, Defacto, est à bout de souffle et le bon fonctionnement de La Défense est affaibli.
Cette réforme doit lui permettre à la fois d’être innovante, et de consolider son rang de premier centre d’affaires européen.
Car soyons clairs : l’enjeu du premier centre d’affaire européen n’est pas seulement départemental. Il est métropolitain, il est régional, il est national.
Mais nous ne pouvons pas sacrifier, sur l’autel de l’efficacité, toute notion démocratique et de concertation.
Pour garantir la mise en œuvre d’une réforme ambitieuse, nous devons ainsi prendre le temps de la réflexion, et associer tous les acteurs concernés, en premier lieu les communes.
Or, dans le projet que nous sommes appelés à voter, il y a là une remise en cause complète de la démocratie dans ce que deviendra l’établissement public Paris La Défense.
Nous exprimons plusieurs désaccords avec le texte que nous votons aujourd’hui. Nous avions par ailleurs déposé deux amendements dans le cadre de la Commission Mixte Paritaire.
Le premier point de désaccord porte sur l’article 4, à savoir la composition du Conseil d’administration.
Il nous semble en effet primordial que soit respectée la pluralité. Or, sur les 17 membres du Conseil d’administration, 9 sont issus du Conseil départemental mais nous nous étonnons qu’aucun ne soit attribué à l’opposition. Cela n’est pas acceptable.
Le deuxième point de désaccord se porte sur l’article 2, qui donne à l’établissement public Paris La Défense la possibilité d’intervenir en dehors de son périmètre historique d’intervention.
Mais contrairement à ce qu’avait annoncé le précédent gouvernement dans un communiqué de presse du 27 mai 2016, l’établissement public n’aura pas l’obligation de passer des conventions d’aménagement avec les communes concernées.
Il est écrit, dans ce communiqué, qu’« au-delà de ce périmètre, l’établissement disposera d’une compétence non exclusive d’aménagement et de gestion, définie par voie de conventions, afin notamment de garantir la poursuite par le nouvel établissement des opérations déjà engagées par l’EPADESA».
Le texte que nous sommes amenés à voter ici prévoit le contraire. Il n’impose pas d’obligation de conventionner entre l’établissement public Paris La Défense et les communes, mais simplement un avis consultatif des acteurs concernés.
Je tiens à rappeler ici que le périmètre non exclusif de la gouvernance de l’établissement Paris La Défense concerne 1/3 du territoire de la ville de Nanterre. Dès lors, pourquoi ne pas revenir à l’ambition initiale, à savoir une obligation de convention entre l’établissement public et la commune ?
Beaucoup d’entre vous, sur ces bancs, avez été responsables d’exécutifs locaux. Qui mieux que notre Chambre, Chers collègues, pour se rendre compte de la réalité de nos territoires ? C’est d’ailleurs ce rôle que la Constitution nous attribue. Nous demandons simplement que la ville ait son mot à dire sur son territoire.
Notre collègue Sophie Primas, Présidente de la Commission des Affaires Economiques l’avait d’ailleurs parfaitement rappelé sur Public Sénat : Au Sénat, nous considérons que les communes restent la cellule de base de la démocratie.
Dès lors, comment accepter qu’un établissement public puisse contrôler un tiers d’une commune, sans même avoir l’obligation de passer des conventions avec celle-ci ? Quel maire pourrait l’accepter ?
Chers collègues, le Président de la République avait annoncé lors de la campagne présidentielle une réforme territoriale d’envergure.
Il indiquait, et je le cite : « Nous supprimerons au moins un quart des départements, là où ils peuvent être rapprochés de l’une de nos grandes métropoles. En concertation avec les élus, nous simplifierons l’administration territoriale en confiant aux services des métropoles les compétences des conseils départementaux où elles se situent ».
Donc deux choses :
D’abord : On va voter un texte qui, au lieu de confier à la métropole la gestion du premier pôle financier, le confie au département, ce qui va à l’encontre de la vision exposée par le Président de la République lors de la campagne présidentielle.
Ensuite : Nous allons voter un texte dans la précipitation – à cet égard je rappelle que la Cour des comptes a estimé que la décentralisation du quartier se fait de manière trop rapide –, alors qu’une réforme territoriale pourrait intervenir très prochainement et qui pourrait tendre vers la suppression des départements.
Dès lors, je vous le demande Mesdames et Messieurs les Ministres, quelle entité sera chargée de la gestion de cet établissement public en cas de suppression des départements ? Les communes ? La région Ile-de-France ? La Métropole du Grand Paris ? L’Etat ? Nous sommes dans la confusion la plus totale et ce à deux ou trois mois de cette réforme territoriale.
Avec la naissance de la Métropole du Grand Paris, quel sera l’avenir de nos départements ? Qu’en sera-t-il de la gouvernance de l’établissement public Paris La Défense ? Ne devons-nous pas attendre, avoir une vision sur le long terme ?
Car je pose la question : A quoi servirait une Métropole (en l’occurrence celle du Grand Paris) si on ne lui confère pas la compétence en matière de gestion du plus grand quartier d’affaires de France et d’Europe. Quelle serait la logique ayant guidé sa création ?
Enfin, permettez-moi de le rappeler : le Conseil d’Etat a été saisi par le Comité d’entreprise de l’EPADESA, et est amené à se prononcer aujourd’hui même, lundi 18 décembre 2017, sur un éventuel vice substantiel dû à la non-consultation des communes concernées.
Allons-nous barrer la route au juge administratif suprême ? Allons-nous le priver de ses fonctions consultative et juridictionnelle, sous prétexte de vouloir aller vite ?
Chers collègues, la création d’un établissement public de cette envergure ne peut se faire dans la précipitation et sans réelle concertation.
C’est pourquoi, au vu du blocage de la majorité à l’Assemblée nationale et à l’absence de clarification de la part du Gouvernement, le Groupe Socialiste s’opposera à la ratification de l’ordonnance et vous appelle à faire de même.
Je vous remercie.
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