Le sénateur PS des Hauts-de-Seine, Xavier Iacovelli, réclame la création d’une mission d’information sur le commerce parallèle du tabac qui priverait, chaque année, la France de 3 milliards d’euros de recettes fiscales.

Un vendeur à la sauvette dans le quartier de Barbès à Paris (XVIIIe).  LP/Arnaud Journois

« S’ils ne m’ont pas répondu avant le 31 décembre, j’irai chez eux exiger qu’ils me livrent les informations que j’ai demandées. » Le sénateur socialiste, Xavier Iacovelli, menace les cigarettiers Philip Morris (Marlboro, Chesterfield…) ou British American Tobacco (Lucky Strike, Dunhill…) de venir, dès le 2 janvier, frapper à la porte de leurs bureaux parisiens, son écharpe tricolore en bandoulière.

Ce n’est pas la première fois que cet élu des Hauts-de-Seine s’attaque aux multinationales du tabac. Dans le cadre du projet de loi de Finances pour 2019, il avait déjà déposé un amendement visant à les taxer, à hauteur de 4 centimes par paquet, pour financer la collecte et le traitement des millions de mégots jetés dans les rues. Son amendement a été rejeté mais il ne désarme pas.

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Xavier Iacovelli, sénateur PS des Hauts-de-Seine./LP/ Anne-Sophie Damecour 

Organisateur le 23 novembre au Sénat d’un débat sur les trafics illicites de tabacen France, il a mis au jour, assure-t-il, la source principale de la contrebande. « La contrefaçon est insignifiante, explique-t-il. En fait, 98 % des cigarettes de contrebande sortent directement des usines des fabricants. » Lesquels « nourrissent, en quelque sorte, le commerce parallèle à l’insu de leur plein gré ».

Comment ? « La moitié des trafics, précise Xavier Iacovelli, provient des achats transfrontaliers. L’autre moitié du tabac de contrebande est acheminé illégalement en France, par conteneurs ou par camions, en provenance de pays où la fiscalité est faible ».

Une interprétation «mensongère»

Les cigarettiers, principaux pourvoyeurs du tabac de contrebande ? Une interprétation « mensongère », s’est étranglé Philip Morris.

« Le débat avec eux a été vif, rétorque le sénateur PS. Mais je constate que les fabricants vendent en Algérie, par exemple, 2 euros aux distributeurs, des paquets revendus 4 euros en France. De même, les habitants d’Andorre consomment 120 tonnes de tabac par an mais les fabricants en livrent, dans ce pays frontalier, 850 tonnes qui approvisionnent les circuits parallèles. Qu’il s’agisse des ventes légales ou illégales, les industriels du tabac jouent sur les deux tableaux. »

Face à ce fléau du commerce illicite, qui représenterait un quart des ventes en France et priverait chaque année les caisses du fisc de 3 milliards d’euros de recettes, l’Etat semble impuissant. Les saisies, parfois spectaculaires, de tabac par les douanes ne représentent que de 2 % des paquets de contrebande revendus sous le manteau. Pire, la convention de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ratifiée par la France, oblige depuis le 25 septembre les pays de l’Union européenne à disposer d’un système indépendant de traçabilité du tabac. Mais, pour l’heure, le suivi des expéditions reste l’apanage des industriels.

« On verra s’ils osent me laisser dehors ! »

Dans un courrier adressé le 17 décembre au président du Sénat, Gérard Larcher, Xavier Iacovelli demande donc « la création d’une mission d’information pour comprendre les mécanismes du commerce parallèle de tabac et trouver les moyens d’y remédier ». La requête sera mise à l’ordre du jour, lui a promis Gérard Larcher, lors de la prochaine réunion des présidents de groupes du Sénat.

En attendant, le sénateur socialiste entend faire jouer à plein ses prérogatives de parlementaire. Il a demandé aux multinationales du tabac de lui fournir les quantités de cigarettes livrées dans chacun des pays frontaliers de la France afin de pouvoir les comparer à la consommation moyenne de tabac fumé dans ces pays. Faute de réponse d’ici au 31 décembre, l’élu fera donc lui-même le déplacement chez les fabricants. « On verra bien s’ils osent me laisser dehors ! »

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